Municipales : à la recherche des éléments de langage
Nous avons regardé la soirée électorale à la recherche des éléments de langage fournis par les états-majors politiques. Bilan.
À droite, "vague" interdite
Le mot "vague" est resté ce soir au placard, tout au moins jusqu'à ce que les résultats se dessinent très nettement, tard dans la soirée. Dans un premier temps, seules six villes sur les quinze potentielles sont attribuées au FN, qui ne peut pas alors revendiquer une victoire franche et massive. "Il n'y a pas de vague bleu Marine" se réjouit Alain Juppé, élu au premier tour à Bordeaux, en début de soirée. Même précaution langagière du côté des têtes de l'UMP, où l'on tempère. "Oui, il s'agit des conditions d'une vague bleue" s'aventure Jean-François Copé en réponse à une journaliste qui essaye désespérément de lui faire prononcer le mot "vague". Le mot restera tabou, jusqu'au signal donné par Manuel Valls qui annonce "quatorze à quinze villes" gagnées par le Front national et 155 villes de plus de 9 000 habitants perdues par la gauche. À partir de ce moment, le mot "vague" lâché, journalistes et politiques s'en emparent.
À gauche, le retour de la "pédagogie"
La partition jouée par la majorité est assez classique pour un soir de défaite électorale. Si la reconnaissance de la défaite est unanime, les causes font l'objet d'interprétations diverses... Suivez les éléments de langage. Les deux mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des représentants du gouvernement sont "pédagogie" et "impatience", laissant ainsi sous-entendre que s'il y a eu sanction électorale, c'est que les électeurs n'ont pas compris. L'échec serait donc à placer sur le plan de la communication plus que sur celui de l'action. C'est en tout cas la substance de l'intervention de Jean-Marc Ayrault qui précise : "Je pense que nous n'avons pas assez expliqué que l'action de redressement engagée depuis 2012 était essentielle pour notre pays." Les solutions proposées, en dehors du sujet tabou du remaniement, semblent moins évidentes. "Il faut aller plus vite, et plus loin", estime Najat Vallaud-Belkacem sur le plateau de France 2. "Cela m'étonnerait que Hollande fasse quoi que ce soit qui réponde au message de ce soir", s'agace sur TF1 Mélenchon, qui avait menacé de sécher les plateaux télé, avant de poursuivre : "La politique de François Hollande, son virage à droite, son alliance préférentielle avec le Medef et sa soumission aux politiques d'austérité européennes ont produit un désastre." Cette soirée, c'est aussi celle de l'explosion de la gauche.
Europe et bipolarisation
Du côté du Front national, la stratégie est claire, l'heure des européennes a déjà sonné. Le mot clé qui permet d'entrer dans le débat, c'est "bipolarisation", avancé comme une idée dépassée. "Clairement, nous passons à une nouvelle étape. Le Front national bouscule la bipolarisation de la vie politique", explique Marine Le Pen sur TF1. Elle avait déjà mis en avant cette idée lors du premier tour de dimanche dernier. Le Front national réalise un score en apparence faible (6,84 % d'après les déclarations de Valls), mais les listes FN n'étant pas présentes dans toutes les villes qui votaient encore ce dimanche, le vote FN est dilué dans l'ensemble du scrutin. Puis d'enchaîner : "Vous verrez que le PS et l'UMP veulent sauver une monnaie qui tue les entreprises et qu'ils sont d'accord pour l'ouverture totale des frontières." Traditionnellement, le Front national réalise ses meilleurs scores lors des élections européennes.