▼ 亲,升级 法语角VIP 后查看精彩内容哦
O(∩_∩)O~
Avec le don de la cuillère
Cuillère à moka du Danemark (à g.), cuillère Dan (Côte-d'Ivoire). (Photo Jean Metzger. Christophe et Jean-Claude Ducoin )
EXPO La bibliothèque Forney présente une sélection enthousiaste de la collection de Jean Metzger.
Une exposition de cuillères ? 400 cuillères ? Et pourquoi pas des torchons ? Ou la ménagère entière ? Parce que la fourchette a un tout autre symbole (la fourche du diable, par exemple), que le couteau est agressif et que la cuillère participe à ce besoin fondamental de manger et d’être en lien avec autrui : la mère nourrit son enfant, une fois sevré, à la cuillère. Un objet qui a traversé l’histoire de l’humanité, des Amériques à la Chine en passant par l’Afrique et l’Europe pour atterrir en 400 pièces emblématiques à la bibliothèque Forney, toutes choisies dans sa collection de plus de 3 000 par Jean Metzger, basé à Lyon et collectionneur de cuillères. Oui, collectionneur de cuillères.
On n’en avait jamais rencontré, ils sont deux en France, c’est l’occasion en ce lieu magnifique. Le voilà avec son épouse Edith, qui le suit depuis quarante ans dans sa passion et le regarde, attendrie, présenter avec un enthousiasme contagieux sa collection, en quatre salles thématisées : l’histoire et les différentes fonctions des cuillères, les matériaux utilisés (bois, nacre, corne, etc.), les ustensiles comme objets d’art, de rites et de symboles traversant toute une vie humaine et les formes selon les origines géographiques.
Ici, cette cuillère de Sumatra surmontée d’un personnage hermaphrodite faisant le lien avec la sexualité (du coup parenthèse sexuelle dite de la position des petites cuillères), ici une autre, symbole de pouvoir au Congo, là une cuillère amulette chez les Lega (Afrique centrale) pour éloigner les mauvais esprits, plus loin une cuillère médicament ou celle, très belle, pour l’opium.
Soldat de plomb. Chacune des quatre salles est soigneusement mise en scène, guirlande de cuillères en bois au plafond, bonsaï à cuillère qu’on peut et doit toucher, carte du monde. Jean Metzger y est à l’aise comme chez lui, danse au milieu de sa collection, revient sur un objet, insiste sur ce tableau de la Vierge à l’enfant (avec cuillère, on l’aura compris) et sur la scénographie de l’exposition, faite par Emmanuelle Sacchet. L’ingénieur à la retraite dit en rigolant qu’il peut passer «deux heures sur chaque objet tant il y a de choses à raconter». On est partant parce qu’intriguée de ce monde très mystérieux, inexploré par bien des profanes.
Encore plus quand le spécialiste, qui en quarante ans est quasiment devenu anthropologue et sociologue, explique (un peu sous la contrainte - ça ne se fait pas, de demander les prix ou les lieux des transactions mais on ne savait pas) qu’un ustensile un peu précieux et rare peut monter jusqu’à… eh oui, 350 000 euros. Le coût d’une maison, en gros (pas grande et pas à Paris certes, mais quand même). On les achète à d’autres collectionneurs sur les sites de ventes aux enchères, pas tellement dans les salles des ventes. Mais comment est-il tombé dans la cuillère, et pas, mettons, dans le soldat de plomb ou les globes terrestres anciens ? «C’est peut-être parti de cette cuillère qu’avait trouvée mon père en 1940 dans un camp de prisonniers : il y avait "que Dieu nous bénisse" gravé dessus», explique Jean Metzger. Ledit ustensile, exposé dans l’une des salles, renvoie au passage de Si c’est un homme, de Primo Levi, sur l’importance de la cuillère dans les camps de concentration, où elles ne sont pas fournies.
Fabriquées en cachette à l’usine, ce sont «les fabricants eux-mêmes [qui] les vendent directement aux nouveaux venus : une cuillère simple vaut une demi-ration de pain, une cuillère-couteau trois quarts de ration».
Grand-mère. Quand on sait l’importance de la soupe, ou dénommée telle, à Auschwitz ou ailleurs, on comprend celle de cet ustensile, même «pesant et mal dégrossi». On trouvera la cuillère du père prisonnier un peu plus tard, émouvant témoignage d’une histoire vraie et proche, une fois appris que la première cuillère qu’on connaisse remonte à 2 700 ans avant qui l’on sait ; qu’elle est en lien étroit avec les façons de vivre en société ; que par ses variations de forme, de dimensions, d’utilisation concrète ou symbolique, elle est un langage, traduisant l’humanité, de la naissance (cuillère de baptême) à la mort ou le religieux (cuillère de pèlerinage ou de messe pour le sang de Christ). «C’est surtout l’art premier qui a les plus belles pièces, par exemple de cérémonie d’initiation liée au passage à l’âge adulte», souligne Metzger, alors qu’on s’attendait à une tempête de jolies cuillères en vermeil comme chez grand-mère.
A propos de grand-mère, on trouve aussi des histoires d’amour. Qui l’eût cru : au pays de Galles, le fiancé offre à sa promise une cuillère sculptée par lui-même, avec symboles nombreux et variés. En Bretagne, même topo, une cuillère en cadeau pour faire la tambouille et orchestrer la vie quotidienne, mais si le fiancé ne revient pas (de mer par exemple), elle doit la rendre à la belle-famille. On est peu de chose quand on est une femme. La cuillère est parfois un symbole vache.
本内容为法语角编辑整理,转载请注明出处为法语角。