Après les annonces de Valls, la grosse colère des départements ruraux

Des élus de la Nièvre, dont le président du conseil général, avaient organisé une tournée des ministères, le 4 février à Paris. (Photo François Guillot. AFP)
RÉCIT Lors d'un colloque sur les «nouvelles ruralités» au Sénat, des présidents des conseils généraux ont exprimé leur consternation face aux annonces brutales de suppression des conseils départementaux.
Patrice Joly, président PS du conseil général de la Nièvre, a le sens de l'humour. «Nous allons commencer par un requiem», dit-il à la porte du colloque sur les nouvelles ruralités qui s'apprête à démarrer dans un sous-sol du Sénat. Prévue de longue date, et organisée par les présidents de quatre départements ruraux (Allier, Cher, Creuse et Nièvre), cette réunion a vu son ordre du jour un peu chamboulé par l'annonce de la suppression des conseils départementaux la veille par le Premier ministre. Jean-Jacques Lozach, président du conseil général de la Creuse et maître de cérémonie ironise, devant les rangs clairsemés, qu'«au vu des inscriptions, la salle devrait être pleine. Le contexte de la déclaration de politique générale a peut-être refroidi quelques ardeurs…»
«LE MILLEFEUILLE A FAIT DES RAVAGES»
Mais dans l'ensemble, personne n'a le cœur à rire. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, file à son tour la métaphore funèbre, d'un ton qui n'a rien de drôle. «Je n'ai jamais été autant sollicité par les médias, dit-il en recensant les demandes auxquelles il a répondu depuis 24 heures. Et tout ça pour interviewer quelqu'un qui est en train d'organiser ses obsèques.» La position des défenseurs des départements n'est pas simple. Les voilà «face au risque d'apparaître comme d'affreux conservateurs». Claudy Lebreton admet «la difficulté d'expliquer» l'utilité de cet échelon aux populations persuadées qu'il y a trop de collectivités empilées. «Je fais le constat que le millefeuille, pâtisserie que je ne goûte guère, a fait des ravages dans l'opinion».
Le représentant des départements sait que leur cause ne va pas être facile à plaider. «On peut dire que l'opinion publique est favorable à la suppression des conseils départementaux, à la division par deux des régions, soupire-t-il. Avec des bassins de 40000 ou 50000 habitants, on peut se partager les dépouilles des départements entre intercommunalités et régions. Tout est possible…». Mais il met en garde: «Il faut comprendre ce qui s'est passé aux municipales. L'opinion publique n'est pas forcément acquise à la bien-pensance qui a cours dans les médias».
La déprime des départementalistes est d'autant plus forte que François Hollande, lors de ses vœux à Tulle, avait plutôt conforté l'existence de départements. «Je me souviens d'un chef de l'Etat qui a dit: "Je ne suis pas favorable à leur suppression pure et simple comme le réclament certains"», ajoute Lebreton.
Mais justement, il ne s'agit pas d'une suppression «pure et simple». Patrice Joly l'explique très bien: «Valls supprime les conseils départementaux et pas les départements, comme on a supprimé les conseils d'arrondissement et gardé les arrondissements. Il n'y aura simplement plus de capacité à porter un discours politique sur les territoires». L'élu prend l'exemple de son département, la Nièvre. 80 000 habitants dans l'agglomération de Nevers et 120 000 autour. Pourrait-on imaginer que ce territoire devienne une vaste intercommunalité de 200 000 habitants? «Je n'interdis rien mais il faut qu'on me démontre en quoi ce sera plus performant et moins coûteux».
«VALLS NE COMPREND PAS LES TERRITOIRES RURAUX»
Dans son discours, Claudy Lebreton souligne quand même que le schéma du Premier ministre semble buter sur certaines réalités. «Il a eu un mot sur la ruralité, en disant: "Je mesure le sentiment d'abandon dans les territoires ruraux". Que veut dire cette phrase? Il doit apporter des éclaircissements.»
Le calendrier est cruel. Les annonces du Premier ministre interviennent alors que les élus souhaitaient justement apporter des éclaircissements sur l'avenir des campagnes en donnant un écho au travail qu'ils ont entrepris sur les territoires ruraux. On le trouve résumé dans un rapport très complet qui gagne à être lu pour se faire une idée sur ces sujets. Peut-être une saine lecture pour le Premier ministre. D'après Patrice Joly, «Valls ne respecte pas les territoires ruraux parce qu'il ne les comprend pas et ne les connaît pas».