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Tenir «bon», ne rien lâcher
Pendant ce temps, que faisons-nous ? Tout se passe comme si nous étions tous à la fois ébranlés et parfois sidérés par la violence de l’époque et de ce qui y fait retour, aussi bien en France qu’à l’étranger, et en même temps, pas assez ébranlés quand même - et heureusement peut-être -pour ne parler que de cela, se mobiliser à chaque fois par milliers ou par millions, défiler dans les rues et marquer par une clameur commune une résistance qui l’est aussi. Serait-ce que les choses ne sont pas graves ? Des partis d’extrême droite en Europe, et de plus en plus en France, qui entrent dans toutes les sphères de la société et de la politique ; des agitateurs racistes (faut-il ajouter en distinguant : et antisémites ?) ayant pignon sur rue et sur la Toile ; une situation internationale qui relance la «guerre contre le terrorisme» et même la guerre froide, vingt-cinq ans tout juste après la chute du mur de Berlin, que certains voudraient voir reconstruit à l’est de l’Ukraine, alors que l’ouverture devrait relier tout le continent. Et même le Brésil où l’opposition - ce dimanche - de deux candidates issues du parti de Lula serait magnifique si l’une des deux n’était poussée par une ferveur plus religieuse que politique, menaçant la séparation du politique et du religieux (comme nous le disaient là-bas de nombreux amis) jusqu’à l’école, conduisant ses électeurs à voir une intervention divine dans la mort de son prédécesseur en avion.Non, ce n’est pas que les choses ne soient pas graves, et chacun le sent. Alors, pourquoi n’y a-t-il pas ces élans communs de résistance, qui unifieraient tout le monde sans présupposition identitaire ou victimaire ? Il y a bien des raisons sans doute, négatives et positives : dans des divisions, y compris sur le diagnostic, et dans des avancées, y compris en Europe. Mais nous voudrions en évoquer une, qui pourrait paraître optimiste, si elle n’appelait pas aussi plusieurs tâches concrètes, plusieurs exigences. Son aspect optimiste tient à ceci : tout se passerait comme si, confusément, nous sentions encore aujourd’hui la «colonne vertébrale», individuelle et commune, «tenir», tenir «bon». Comme s’il y avait face à la montée de certains discours et de certains périls un tel partage, autour de nous de la sidération et du dégoût, qu’il fait croire à un socle plus solide qu’on ne croit, et qui résiste sans avoir besoin de le dire. Il ne s’agit certes pas de minimiser les extrêmes, les transgressions et les violations et il faut, à chaque fois, s’y opposer. Ne rien laisser passer. Nulle part et jamais. Soutenir ceux qui sont insultés, qu’ils soient ministres (Christiane Taubira par exemple qui incarne tant aujourd’hui), ou administrés. Mais il y a, en même temps, cette impression d’un socle, et qui tient bon. Est-elle fondée ? Elle n’est, en tout cas, pas absurde. Mais elle appelle aussi, en plus des manifestations explicites de vigilance face aux dangers, d’autres tâches concrètes non moins nécessaires. La première porte sur l’aspect républicain de ce socle. Il est là. Moins menacé que dans les années 30. Mais justement, il est plus riche et complexe que l’on ne croit, d’histoire, de pensée, de diversité. Il faut le faire vivre et revivre. Et puis, il y a une deuxième tâche encore, qui porte sur ce que nous faisons, là où nous sommes, ensemble, malgré et contre ce qui se défait. Comment certains peuvent-ils même perdre tant de temps dans la haine et l'agitation des peurs? N'ont-ils rien de mieux à faire ? Qui parle pendant ce temps des associations où tous se côtoient et travaillent ensemble tous les jours ? Des écoles, collèges, lycées et universités où il suffirait de faire voir tout le travail commun réel, discret, parfois caché, pour qu’une «communauté» qui n’a rien de communautaire y renaisse ? Les «réformes» qui divisent, nous n’en voulons plus, faites (avec les mêmes «économies») celles qui rassemblent. Et c’est le cas ailleurs, partout, dans le soin, l’entreprise à certaines conditions qui sont pensables et faisables. L’arc-en-ciel des travaux et des jours dans la société effective n’enferme personne dans une essence qui l’oblige à se définir comme accusé ou comme victime. La première question que nous nous adressons (après «comment vas-tu ?») n’est-elle pas à juste titre : «Que fais-tu dans la vie ?» ou «Et dans le travail, ça va ?» Il y a ce socle ou ce sol, invisible, mais présent, quoique fragilisé. C’est lui qu’il faut faire ressortir dans les discours, les textes, les débats, les images. C’est par lui que l’on répondra par surcroît, en plus, en prime, mais fortement, à tous ceux qui, non contents de porter atteinte aux uns ou aux autres, sapent aussi la vie commune de tous.
Frédéric Worms est professeur de philosophie à l’Ecole normale supérieure.
Cette chronique est assurée en alternance par Sandra Laugier, Michaël Fœssel, Beatriz Preciado et Frédéric Worms.
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