JO : en mer et sur terre, les athlètes face à la pollution
À la veille des compétitions olympiques et malgré les annonces officielles rassurantes, la qualité de l'eau et de l'air de la baie de Rio laisse à désirer.
C'était une promesse ferme de Rio de Janeiro lors de sa candidature à l'organisation des JO: assainir ses cours d'eau et lacs en construisant de nouvelles stations d'épuration, et améliorer la qualité de l'air en rendant les transports publics plus performants. Mais à la veille de la compétition, malgré des annonces officielles rassurantes, le compte n'y est pas, dénoncent deux agences de presse internationales ayant procédé à des expertises indépendantes.
Anticorps
Dans les eaux du lac Rodrigo de Freitas, où auront lieu les épreuves d'aviron et de canoë-kayak, la concentration en adénovirus est 25.000 fois supérieure au niveau d'alerte fixé pour certaines plages de Californie, calcule un expert sollicité par les journalistes.«Ce qu'on a là, c'est de l'eau d'égout, tout simplement. C'est un mélange d'eau des toilettes, des douches et de tout ce que les gens jettent dans leur évier, et ça ressort au niveau des plages», résume John Griffith, biologiste marin pour le projet de recherche sur l'eau en Californie du Sud. Pour Valerie Harwood, professeure de biologie à l'Université South Florida, une personne qui ingérerait cette eau par la bouche ou par le nez risquerait de «tomber très malade». «Les concentrations en virus sont très, très élevées».
Si les Brésiliens qui fréquentent ces lieux de baignade ont, avec le temps, développé des anticorps qui les rendent moins vulnérables, ce n'est pas le cas des athlètes étrangers de passage. Le navigateur autrichien David Hussl peut en témoigner. Malgré ses précautions - il se rince le visage à l'eau minérale quand il est éclaboussé et se douche après chaque entraînement-, le jeune homme est tombé malade plusieurs fois pendant sa préparation aux épreuves. «J'ai eu de la fièvre et des troubles digestifs. À chaque fois, ça me cloue au lit une journée et m'empêche de m'entraîner 2 ou 3 jours », confie-t-il.
Confronté aux analyses virologiques d'AP, Mario Andrada, porte-parole du Comité international olympique, affirme que «les athlètes ne courent aucun risque à naviguer dans la baie de Guanabara. Nous ne mettrions jamais leur santé en danger pour une compétition».
Particules fines
L'OMS évalue la qualité des eaux de baignade en recherchant des bactéries révélatrices de contamination fécale (entérocoques et E. coli). Dans ce protocole, les virus ne sont pas recherchés, ce qui est contesté par certains experts. Les concentrations en bactéries relevées à Rio sont effectivement basses. Mais ce sont bien les virus qui causent la plupart des maladies chez les baigneurs, insistent les experts. Et les bactéries se dégradent rapidement dans les eaux tropicales, ce qui peut fausser l'interprétation des analyses.
Si dans l'eau, la situation n'est pas brillante, au-dessus, l'air n'est guère plus sain. Les fautives sont les particules fines (PM), émises principalement par les moteurs Diesel et l'industrie. Certes, comme le rappelle la responsable du développement durable du comité organisateur, «la qualité de l'air ne peut être jugée sur les seules PM. Pour d'autres polluants comme le dioxyde d'azote et le dioxyde de soufre, Rio est au-dessous des normes OMS». Mais les PM sont plus dangereuses pour la santé. L'agence de presse Reuters a compulsé les données de l'agence de protection environnementale de l'État de Rio (Inea) pour les PM 10 et fait réaliser des prélèvements près des sites de compétition et du village olympique pour les PM 2,5, plus petites et encore plus nocives. Conclusion: Rio a l'air le plus pollué des villes olympiques depuis 25 ans, Pékin excepté.